Il courait à toutes jambes, filant entre les arbres. Derrière lui retentissaient les cris des marchants qui le coursaient, presque à bout de souffle. Mais il en fallait plus pour ralentir le jeune homme qui, d’une foulée, parcouraient plus de distance que ses assaillants. Se retournant rapidement, il sourit à la cantonade avant de prendre un virage serré entre deux saules. Cette fois-ci, son butin différait un peu…

Voleur averti, il connaissait toutes les techniques pour échapper à d’éventuels poursuivants –Et Surmae savait combien il avait du courir pour s’enfuir-, comme slalomer vers la mer Remae, chemin qu’il connaissait à présent presque par cœur. S’arrêtant sur le bord de la falaise qui surplombait les eaux tièdes, il se retournait, souriant. Du haut de ses 130 ans, ses yeux argentés à l’humeur toujours joueuse fixaient l’orée de la forêt, alors qu’un sourire radieux s’affichait sur ses lèvres pulpeuses en entendant les marchands hurler.

Le premier poursuivant marqua un arrêt en apercevant le jeune homme. C’est vrai qu’il n’avait pas pu observer clairement son visage lorsqu’il s’était enfuit avec la robe nacrée qu’il avait volé dans la carriole. Maintenant, en pleine lumière, son charme était frappant. Son physique, digne de celui de son peuple bien qu'un peu plus maigre que la moyenne, en aurait rendu plus d’un jaloux au milieu des terres. Ses cheveux gris un peu sombre -Ils étaient d'un gris argenté tout à l'heure, signe qu'il se déshydrataient peu à peu- s’arrêtaient à ses épaules alors que quelques mèches descendaient jusqu’au bas de son dos. Avant qu’il ait le temps de faire le moindre mouvement, le jeune homme fit une petite courbette ironique.

- A bientôt, j’aime beaucoup faire affaire avec vous !

Et sur ces mots il plongea. Entrant dans l’eau, ses cheveux prirent la couleur de la neige alors que ses longues jambes laissèrent place à une queue d’écailles mordorées. Jouant avec les courants, il filait vers Sanael, émergeant dans le port, dans un coin désert. Enfilant le pantalon en toile qu’il avait caché là à l’aller, il partit dans les petites rues moins avenantes du port, les rayons rouges du couchant accrochant sa peau nacrée pour sublimer un peu plus sa silhouette.

Une fois devant la porte d’une vieille bâtisse, il s’arrêta avant de pousser la porte. A l’intérieur, la faible lumière éclairait deux silhouettes, l’une assise et l’autre s’afférant à une quelconque tâche. Souriant, il s’avança vers la silhouette mobile pour lui offrir la robe. La Sirène, observant le tissu qui séchait doucement après son passage dans l’eau salée, souris tendrement.

- Merci mon fils…

Le jeune ondin l’embrassait sur le front, avant de se tourner vers son père, attendant une quelconque réaction. Apparemment il était encore dans une de ses passes mélancoliques, à ressasser les raisons pour lesquelles il devait laisser son fils voler pour nourrir la famille.

Peu importait, il savait ce que son père en pensait. Ressortant de la mansarde, il s’arrêtait un instant pour regarder les reflets du soleil sur les vagues.

- Merci…

Se retournant, il offrit à son père, qui s’était décidé à bouger- un sourire radieux. Il n’avait pas besoin de remerciements, il faisait ça pour sa famille, cette pensée lui suffisait. S’asseyant sur le bord des marches, il pensait déjà à ce qu’il allait faire demain. Demain, il pourrait tout faire.

Après tout, le ciel était sa seule limite.